« J’aimerais annoncer ma décision de réactiver nos enquêtes en République démocratique du Congo », a déclaré ce lundi 14 octobre, le procureur de la Cour pénale internationale, Karim Khan. Le gouvernement congolais a finalement obtenu gain de cause, après sa saisine de 2022 auprès de la juridiction internationale, demandant de nouvelles enquêtes « sur les crimes présumés relevant de sa compétence commis au Nord-Kivu du 1er janvier 2022 à ce jour ». Toutefois le procureur précise que le Bureau examinera la responsabilité de « tous les auteurs présumés », y compris celle des armées régulières déployées sur le terrain dont les forces congolaises.
Déchirée par la violence des groupes armés depuis des décennies, cette période coïncide avec la reprise des combats entre les forces congolaises et les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23). Les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et de l’Ituri, à l’est de la République démocratique du Congo (RDC), sont les plus touchées par ces violences, avec des milliers de victimes et près de 7 millions de déplacés, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies. Le dernier massacre, attribué aux Forces démocratiques alliées (ADF), un groupe rebelle ougandais, a causé la mort de près de 150 personnes dans la province du Nord-Kivu, il y a 4 mois.
« Il y a un besoin de vérité et de justice », affirme Stewart Muhindo, militant des droits humains de la LUCHA, à l’annonce de la reprise des enquêtes. Après le lancement de la campagne « CPI, justice pour la RDC » par le gouvernement congolais en août dernier, accompagné de critiques sur la « lenteur » des procédures concernant ces exactions, les enquêtes sur les crimes graves relevant du Statut de Rome vont reprendre. La compétence de la CPI couvre les crimes contre l’humanité, les génocides, les crimes de guerre et les crimes d’agression.
7 responsables congolais avaient fait l’objet de mandats d’arrêt en 2004
En 2004, à la suite de la première saisine de la CPI par le gouvernement congolais, seuls sept responsables avaient fait l’objet de mandats d’arrêt de la juridiction internationale. Cinq ont été jugés coupables. « La crise sécuritaire congolaise est aussi entretenue par une impunité totale dont bénéficient les auteurs et les commanditaires de la violence » avance Stewart Muhindo. Il mentionne notamment Jean-Pierre Bemba, ex-dirigeant du Mouvement de Libération du Congo. Arrêté en 2008 et reconnu « pénalement responsable » de crimes graves, il a été libéré après avoir été acquitté dix ans plus tard. Il occupe aujourd’hui le poste de ministre des Transports.
Les attentes de la société civile sont élevées, avec l’espoir que les enquêtes de la CPI ne se limitent pas aux violences du M23, mais englobent également l’ensemble des groupes armés ainsi que les forces armées congolaises. Victor Tesongo, membre de la Ligue pour la Promotion et la Défense des droits de l’homme, souligne l’importance du travail de documentation des ONG congolaises pour soutenir la CPI dans ses investigations. Ces organisations espèrent aussi que les crimes, notamment les massacres perpétrés par les ADF depuis 2014, seront pris en compte dans ces enquêtes.
Vers un tribunal pénal international spécial pour la RDC ?
L’annonce de cette reprise des enquêtes a aussi relancé les débats sur la création d’un tribunal pénal international spécial pour la RDC. « Il faut s’assurer que l’ensemble des responsables des crimes soient poursuivis ». Stewart Muhindo affirme qu’au regard de l’ampleur des crimes commis sur une période de trente ans, un tel tribunal permettrait de s’assurer que tous les responsables soient poursuivis et que justice soit rendue.
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