La mission d’information « sur les relations entre la France et l’Afrique » a présenté son rapport, mercredi 8 novembre, devant la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale. Faisant état d’une « perte d’influence de la France », les corapporteurs Michèle Tabarot (Les Républicains) et Bruno Fuchs (Démocrate) appellent à « l’édification d’une nouvelle stratégie africaine ».
Alors que l’Afrique de l’Ouest connaît des coups d’Etat à répétition depuis 2019, principalement dans l’ancien « pré carré » colonial français et la bande saharo-sahélienne, une mission d’information parlementaire dresse un bilan critique des relations entre la France et l’Afrique et appelle à « l’édification d’une nouvelle stratégie africaine ».
Corapportée par les députés Michèle Tabarot (Les Républicains) et Bruno Fuchs (Démocrate), le rapport d’information juge que la France, « déstabilisée dans une Afrique en pleine mutation », doit « reconstruire une offre stratégique claire, condition sine qua none au renouveau des relations ».
il manque peut-être l’essentiel : une offre stratégique précise et de long terme qui donne envie aux pays africains de maintenir des liens nourris et plus égalitaires avec la France. Extrait du rapport
« Perte d’influence de la France en Afrique »
Lors de la présentation du rapport, la corapporteure Michèle Tabarot est revenue sur les multiples causes d’une « perte d’influence de la France en Afrique ». Si celle-ci « n’est pas généralisée », la députée LR a estimé en commission que « nous avons démoli tout ce qui fonctionnait bien dans nos relations ». Le corapporteur Bruno Fuchs (Démocrate) a quant à lui relaté le fait que « notre doctrine aujourd’hui [n’était] plus comprise », donnant l’impression d' »actions à géométrie variable ».
De manière plus fine, le rapport détaille, dans une version de travail que LCP a pu consulter, plusieurs causes expliquant le déclin de l’influence française en Afrique :
L’élaboration de la politique africaine « en vase clos » depuis le Pôle Afrique de l’Elysée, conjuguée à une « perte de connaissances généralisée » concernant le continent africain ;
Une politique africaine encore excessivement perçue par un « prisme trop sécuritaire » malgré de récentes tentatives – saluées par le rapport – d’investir de nouveaux domaines (sport, innovation, santé…) ;
Une « réduction des moyens » civils et militaires pour la politique étrangère française en Afrique depuis la fin du XXème siècle, ainsi qu' »une sous-utilisation de nos outils d’influence et un défaut de moyens et de pilotage ».
« Angles morts pas anodins »
La présentation du rapport devant la commission a suscité un certain nombre de remarques venant de groupes d’opposition et de la majorité. Pour le groupe Renaissance, Vincent Ledoux, qui a été rapporteur d’une mission d’information sur la réforme du corps diplomatique, a fait part de « regrets » et pointé des « angles morts pas anodins », déplorant notamment l’absence d’analyse de l’échelle européenne par les corapporteurs.
Pour le groupe Gauche démocrate et républicaine, le député communiste Jean-Paul Lecoq a pointé la responsabilité des récentes interventions extérieures et prises de position de la France, notamment à l’égard des dirigeants africains, qui « [laissent] des traces » et plaidé pour « accompagner la deuxième indépendance de l’Afrique ». Il a aussi, exemple à l’appui, plaidé pour réviser l' »incroyable » politique des visas – un avis partagé par la corapporteure de la mission, jugeant que « notre pays perd des opportunités, faute d’une doctrine claire ».
A l’inverse de son collègue de Renaissance mettant en valeur la politique développée depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir en 2017, le député portant l’avis du groupe Rassemblement national, Kevin Pfeffer, a estimé que « la France [faisait] face à un recul sans précédent » de son influence en Afrique, particulièrement au Sahel. Il a appelé à ce que la France « révise sa position » et élabore de « nouvelles alliances ».
« Reconstruire une offre stratégique crédible »
Ne se contentant pas d’un constat, les corapporteurs proposent dans leurs conclusions une série de recommandations et de pistes, autant institutionnelles que morales, pour « reconstruire une offre stratégique crédible ».
Selon le rapport, la politique des visas doit, par exemple, être revue en s’appuyant sur le récent rapport de Paul Hermelin et l’outil de la Francophonie davantage utilisé, tandis qu’une « réforme profonde » de l’Agence française de Développement (AFD) est à élaborer, tant dans son intitulé (« France Partenariats ») que dans ses missions, devant se concentrer vers « des petits projets réalisables à court terme, aux retombées visibles et facilement identifiables pour les populations locales ».
Les corapporteurs plaident, en outre, pour développer une nouvelle posture morale et stratégique de la France à l’égard des pays africains.
Un changement de style est nécessaire : arrêter les grands discours, souvent porteurs d’attentes finalement déçues, et leur préférer des actions concrètes. Abandonner notre ton martial et grandiloquent, pour une posture humble mais non moins confiante. Extrait du rapport
Critiques, les corapporteurs ne sont cependant pas dépourvus d’optimisme : « accepter ce qui ne va pas aujourd’hui » doit permettre de refonder la politique étrangère française en Afrique, estime en substance Michèle Tabarot. Un avis partagé par Bruno Fuchs, affirmant devant les députés de la commission des affaires étrangères un paradoxe : « On n’a jamais été autant contesté en Afrique depuis la fin des indépendances, […] mais on n’a jamais été aussi près de pouvoir transformer notre action et de résoudre une partie des problématiques pour rétablir des relations fécondes. »