“Un bain de sang électoral pour l’ANC”. C’est ainsi que le média News24 résume l’issue des élections sud-africaines, dont les résultats ont été proclamés le 2 juin. En emportant à peine 40 % des voix, le Congrès national africain (ANC), qui rassemblait encore 57,5 % des suffrages en 2019, réalise sa “pire performance électorale en trente ans”.
Miné par l’effondrement des infrastructures, le chômage massif et la criminalité record qui sévissent en Afrique du Sud, le parti qui domine la vie politique depuis 1994 essuie un camouflet plus dur encore que celui prédit par la majorité des sondages, souligne le magazine panafricain The Continent.
Ce faisant, l’ANC perd sa majorité à l’Assemblée nationale pour la première fois depuis la fin de l’apartheid et devra former une coalition avec un ou plusieurs de ses principaux opposants. Un changement de nature “tectonique” pour la jeune démocratie sud-africaine, qui n’a jamais pratiqué l’exercice au niveau national, insiste site d’investigation Daily Maverick.
“La nature de cette coalition pourrait avoir un impact profond sur l’avenir du pays”, résume The Continent, alors que deux options se dessinent. D’un côté, une entente avec l’Alliance démocratique, parti de centre droit et “partenaire le plus probable”, estime le magazine panafricain.
De l’autre, une coalition avec le parti radical de gauche des Combattants pour la liberté économique (Economic Freedom Fighters, EFF), éventuellement étendue à celui de l’ancien président Jacob Zuma, Umkhonto we Sizwe (MK), qui a créé la surprise en devenant la troisième force politique du pays, avec 14,5 % des voix, quelques mois à peine après sa création.
Des enjeux élevés
“L’Afrique du Sud est au bord du salut – ou de la catastrophe”, récapitule abruptement un éditorial publié dans The Economist : “Les enjeux ne pourraient pas être plus élevés. Une bifurcation mène à la perspective certaine d’un populisme irresponsable, de vénalité et d’une crise économique. L’autre conduit au pragmatisme et à l’espoir du renouveau.”
Les milieux d’affaires, en particulier, “sonnent l’alarme”, en avertissant qu’une coalition avec l’EFF ou le parti MK serait “un anathème” pour les investisseurs, rapporte l’hebdomadaire sud-africain Sunday Times. “Les partis sont tous deux favorables à une augmentation des dépenses publiques et à la nationalisation des mines et de la Banque centrale, et la perspective de les voir rejoindre le gouvernement et exiger des changements politiques populistes pèse sur la monnaie et la dette de l’Afrique du Sud”, complète Bloomberg.
Accusé de corruption et poussé à la démission en 2018 sur fond de multiples scandales, l’ancien président Jacob Zuma a tenté de semer le trouble, samedi 1er juin, en dénonçant une fraude électorale sans apporter de preuves, avant d’exiger la suspension de l’annonce des résultats en menaçant : “Ne créez pas de problèmes quand il n’y en a pas.”
Les résultats ont finalement été annoncés par la Commission électorale comme prévu, dimanche 2 juin. Mais la menace est prise au sérieux par les autorités, qui craignent la répétition du scénario de juillet 2021, quand l’arrestation de l’ancien président, condamné à quinze mois de prison pour outrage, avait été suivie d’une semaine d’émeutes et de pillages faisant plus de 350 morts.
Les forces de l’ordre sont en alerte, dans sa province du Kwazulu-Natal en particulier, rapporte News24. “Là où passe Zuma, l’anarchie et le chaos ne sont jamais loin. Il n’en a pas fini avec nous”, met en garde l’éditorialiste Justice Malala dans le Sunday Times.