A Ouagadougou, lors d’une manifestation de soutien au coup d’Etat au Burkina Faso, le 25 janvier 2022. OLYMPIA DE MAISMONT / AFP
Comment ne pas être emporté par ce qui ressemble à une lame de fond contestatrice ? C’est l’objet du rapport des députés Bruno Fuchs (MoDem) et Michèle Tabarot (Les Républicains, LR) sur l’état des relations franco-africaines.
Alors que Paris a dû encaisser le départ forcé de ses soldats du Mali, du Burkina Faso et enfin du Niger, que le discours hostile à sa politique africaine bénéficie d’un écho toujours plus large dans les opinions et que de nouveaux concurrents viennent contester des positions que les décideurs français pensaient établies, les deux élus préconisent plus de clarté et de cohérence dans les actes et les discours vis-à-vis du continent.
Vous plaidez pour une « juste distance » dans les relations entre la France et les pays africains. Qu’entendez-vous par là ?
Bruno Fuchs Il faut sortir d’une vision missionnaire et moralisatrice qui nous met à dos les Africains. Cette approche, ancrée dans la culture française, n’a jamais fonctionné. Nous défendons un modèle de société fondé sur la démocratie, le respect de l’Etat de droit et l’attachement aux libertés publiques, mais nous ne sommes pas moralisateurs vis-à-vis du Qatar, de l’Arabie saoudite et de la Chine. Pourquoi le serions-nous avec la RDC, la Guinée équatoriale ou la Côte d’Ivoire ? Nous devons être cohérents dans notre approche du monde et tenir nos positions.
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Quand on va à l’encontre de nos valeurs comme on l’a fait au Tchad [où après la mort d’Idriss Déby, Emmanuel Macron a soutenu la solution d’une transition dirigée par le fis du défunt], il faut être transparent et expliquer que le principe de sécurité dans la région prime sur le reste. La question se pose aussi avec l’Egypte : préfère-t-on avoir au pouvoir un maréchal Sissi, qui n’est pas un démocrate reconnu, ou les Frères musulmans ?
Il faut également régler ce paradoxe qui consiste à défendre une vision multipolaire du monde tout en privilégiant, en Afrique, un mode d’action unilatérale.
La France n’est-elle pas coincée dans une polarisation des idées entre une nostalgie de puissance coloniale et une remise en cause frontale de la politique africaine depuis la décolonisation ?
La France vit dans une contradiction liée à la doctrine vertueuse, mais périmée, élaborée sous François Mitterrand. Alors que, sous le général de Gaulle, Paris assurait les pays africains décolonisés d’une protection en échange d’une loyauté lors des votes à l’ONU, depuis Mitterrand, on prétend soutenir les régimes démocratiques en garantissant la sécurité des Etats. Le trouble vient de là, car nous avons institué une politique à géométrie variable.
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