Les 28 et 29 janvier, le gouvernement italien organise un sommet Italie-Afrique très attendu, au cours duquel la Première ministre Giorgia Meloni doit enfin dévoiler un plan stratégique visant à redéfinir les relations de l’Italie avec le continent africain et à freiner l’immigration. Un véritable « new deal » dénommé « plan Mattei » du nom du fondateur de la société énergétique ENI. Et ce n’est peut-être pas un hasard si, 70 ans après le premier Pianno Mattei, Giorgia Meloni se tourne vers ce modèle. En effet, dans les années 1950, Enrico Mattei, considérant l’Afrique comme le nouveau champ de bataille entre l’Est et l’Ouest, avait plaidé pour que l’Italie aide les gouvernements d’Afrique du Nord à développer leur économie et à accroître leurs ressources naturelles. L’objectif était clairement de gagner des marchés dans cette région face aux géants pétroliers américains et français. Et ainsi garantir aux Italiens une énergie abondante et à bas coût afin de maintenir au plus haut la croissance de l’Italie.
Aujourd’hui, la leader du parti Fratelli d’Italia cherche ni plus ni moins les voies et moyens de retrouver ce souffle. « Une certaine approche paternaliste et prédatrice n’a pas fonctionné jusqu’à présent. Ce qu’il faut faire en Afrique, ce n’est pas de la charité, mais des partenariats stratégiques d’égal à égal », plaidait Giorgia Meloni au début du mois lors d’une conférence de presse. À six mois des élections européennes, Meloni peut-elle réussir à présenter l’Italie, qui préside cette année le G7, comme le pont naturel entre l’Afrique et l’Europe ? Rien n’est moins sûr.
L’Italie cible l’énergie et les infrastructures dans son nouveau plan
Maintes fois annoncé, ce grand rendez-vous entre l’Italie et l’Afrique intervient alors que la cheffe du gouvernement italien veut renforcer la présence diplomatique de Rome en Afrique face aux concurrents chinois, russes, indiens ou turcs, qui se sont renforcés ces dernières années. Pour y parvenir Meloni qui s’est beaucoup déplacée sur le continent depuis son accession au pouvoir, allant du Mozambique au Congo en passant par l’Algérie, la Tunisie ou l’Éthiopie, veut miser sur le secteur de l’énergie, d’abord dans son propre intérêt, puisque 40 % du gaz italien provient de producteurs africains. Toute la stratégie n’a pas été dévoilée, mais tout juste sait-on que le secteur privé est appelé à jouer un rôle de premier plan, à commencer par ENI, contrôlé par l’État. Rome veut profiter de l’exclusion de la Russie du marché de l’énergie en Europe à la suite de l’invasion de l’Ukraine en 2022, pour devenir une plaque tournante pour les ressources énergétiques africaines et les marchés européens. Les experts soulignent déjà que ce sera compliqué pour l’Italie, notamment d’obliger l’économie italienne à se sevrer des combustibles fossiles tout en lançant une politique d’investissement dans les énergies fossiles africaines. D’autant plus que le continent africain cherche avant tout à accroître les financements dans les énergies renouvelables.
D’autres projets seront proposés allant de la santé à l’éducation, à l’infrastructure ou encore à l’agriculture. La presse italienne évoque une enveloppe de 4 milliards d’euros sur quatre ans, tirée du fond climat de l’Italie et à destination des pays africains les plus vulnérables, mais cela reste à confirmer.
La question migratoire en toile de fond
Pour Giorgia Meloni, le temps presse. À six mois des élections européennes elle doit rendre des comptes, notamment sur son échec en termes de diminution des flux migratoires via la Méditerranée. Les débarquements en Italie ont énormément augmenté ces dernières années, passant de quelque 105 000 migrants en 2022 à près de 158 000 en 2023 selon les chiffres officiels.
Le plan Mattei prévoit une approche en deux phases : d’abord s’attaquer à la racine du problème en investissant massivement dans les pays africains, et en mettant en place des facteurs dits « incitatifs », comme persuader les pays d’origine de signer des accords de réadmission pour les migrants déboutés. « Ce qui doit être fait en Afrique, c’est défendre le droit de ne pas devoir émigrer… et cela se fait avec des investissements et une stratégie », a dit Meloni, en promettant que l’Afrique serait une priorité pour l’Italie pendant sa présidence du Groupe des Sept (G7).
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Ce n’est pas la première fois que l’Italie tente de relancer ses partenariats avec l’Afrique. Déjà en 2007, l’ancien Premier ministre Romano Prodi a été le premier à se rendre au siège de l’Union africaine. Plus tard son successeur Matteo Renzi a renforcé le partenariat avec des pays africains en ouvrant de nouvelles ambassades, et en mettant l’accent sur l’aide au développement et d’autres programmes d’investissements. Dernièrement, Mario Draghi avait fait montre d’un activisme diplomatique remarqué.
Reste que l’Italie est confrontée à un grave problème de ressources et ne peut, pour l’instant, se passer de l’aide européenne.